C’est au printemps 1991, après avoir fait ses armes au sein de différentes formations hard-rock depuis 1983, qu’Alan Charles fait appel à 3 musiciens (un bassiste, un batteur et un guitariste) afin de présenter sur scène un projet/concept qu’il vient de composer intitulé Existence. Les trois musiciens voulaient en fait intégrer un claviériste à leur groupe mais Alan les convainc plutôt de le suivre dans son aventure.
L’aventure qu’ils s’apprêtent à monter est un drame musical inusité Existence, c’est l’histoire d’un musicien qui fait le bilan de sa vie en revoyant les drames qu’ont vécu sa fille et deux de ses amis. Les sujets sont durs, traitant de drogue, de viol et de suicide, tout en posant des questions d’ordre existentiel, d’où le titre.
Les musiciens répètent tout l’été mais après un seul spectacle, Alan décide de changer de guitariste qu’il ne trouve pas à la hauteur de ses attentes techniques. Dans la foulée de ce départ, le batteur abandonne également le bateau. Serge Délisle, le bassiste, décide de demeurer à bord et, lui et Alan auditionnent plusieurs musiciens pour enfin trouver des remplaçants, Éric Pilon à la guitare et François Labelle à la batterie.
À la demande des musiciens – et l’insistance de Serge, Alan accepte de donner le nom de son concept au groupe qui jusque là n’en avait pas. Son idée première avait été que le groupe n’aurait pas de nom et ne serait reconnu que par les titres des différents concepts. Heureusement, cette idée folle fut abandonnée!
À l’automne 1992, le projet est enfin prêt à être présenté sur scène. Deux nouvelles pièces s’ajoutent au concept original. Le spectacle, joué dans son entièreté, en deux sets, sera présenté à plus de 80 occasions. Les spectateurs, souvent médusés par le projet, se voient remettre une brochure dans laquelle toutes les paroles des chansons sont incluses, ce qui leur permet de mieux suivre l’histoire. Du jamais vu dans des clubs!
Alan Charles, Serge Délisle, François Labelle & Éric Pilon (Merlyns, Montreal, 1992)
Fragile Whisperings Of Innocence
En 1993, Alan forme Black Pearl Productions avec un ami comptable afin de produire le premier disque du groupe. Les musiciens décident de n’enregistrer que la moitié du concept Existence original pour cette première offrande, réservant la deuxième partie pour un CD ultérieur. L’enregistrement au studio DNA de Montréal, démarre au mois d’août de la même année. Trois semaines ont été réservées mais l’enregistrement s’avère beaucoup plus laborieux que prévu.
Aux problèmes inhérents à l’inexpérience des musiciens (seul Alan a déjà travaillé en studio auparavant), s’ajoutent des problèmes d’ordre techniques et de vision globale : Des pistes sont perdues suite à une défaillance des ordinateurs rudimentaires de l’époque et Alan ne voit pas les choses du même œil que le réalisateur engagé pour piloter le projet, ce qui crée d’innombrables discussions qui retardent le processus. Des heures supplémentaires sont réservées à l’automne mais comble de malchance, Alan qui est le chanteur (en plus de jouer le piano et les guitares rythmiques) est victime d’une laryngite suivie d’une pharyngite ce qui repousse encore le projet… Le tout est finalement complété en janvier 1994. Au final, le mixage du CD, un compromis entre les visions divergentes du réalisateur et d’Alan ne satisfait personne dans le groupe.
Il est quand même lancé en grande pompe le 22 février 1994 au Jailhouse Rock Café de Montréal où s’entassent 220 personnes enthousiastes dans une salle qui ne peut en contenir que 150!
Jailhouse Rock Café, Montreal, 22 février, 1994
Les musiciens sont fatigués mais doivent se remettre immédiatement au travail puisqu’une série de 15 spectacles est déjà au programme. Après seulement deux prestations, Serge Délisle décide de quitter le groupe, épuisé. Afin de ne pas compromettre leurs engagements, les autres se mettent immédiatement à la recherche d’un remplaçant. Mais en court de route, François Labelle quitte à son tour. Les spectacles sont annulés, ce qui permet à Éric et Alan de se reposer tout en poursuivant des auditions.
À l’été 1994, deux remplaçants sont enfin trouvés : Alain Quesnel à la basse et Bruno Tessier à la batterie. Ce sang neuf mais surtout l’expérience de scène de ces deux musiciens aideront le groupe à conquérir de nouveaux fans. Cette version d’Existence est souvent considérée par les fans comme étant la plus satisfaisante formation d’Existence à ce jour du point de vue de l’énergie et de la virtuosité technique. Improvisateurs hors-pairs, les quatre musiciens se permettent des envolées musicales qui transforment complètement les spectacles et les pièces du concept. Une pièce naîtra de ces improvisations, Overtime, qui pouvait durer de 3 à 20 minutes selon la réaction du public.
Éric Pilon, Bruno Tessier, Alain Quesnel & Alan Charles (Jailhouse Rock Café, 1995)
Afin d’élargir son auditoire, Existence commence à jouer en première partie de groupes plus connus, délaissant peu à peu le concept original. En 1995, Black Pearl Productions organise la tournée 3 Dimensions avec les groupes Bensalem (en ouverture de programme) et Outskirts (en vedette) qui a alors deux succès radio. Dans bien des cas, Existence, qui joue en second de programme, éclipse le groupe vedette! Outskirts se séparera d’ailleurs peu de temps après cette tournée…
À la fin de l’été 1995, Bruno, qui est aussi ingénieur de son, quitte le groupe pour suivre les Backstreet Boys en tournée. Malgré des foules toujours plus grandes qui assistent aux spectacles d’Existence, le groupe ne peut exiger de très gros cachets dans cet air de DJ et humoristes qui attirent des foules monstres dans les clubs. Dans ce contexte, Alan encourage son batteur à suivre cette voie plus payante…
Un autre facteur joue contre le groupe. On a bien vite « tagué » Existence de groupe progressif. Même si dans les faits Alan avait été plus influencé par les longues pièces des Beatles, de Deep Purple et autres Led Zeppelin lorsqu’il a composé son projet, il sait fort bien que cette étiquette, aussi plaisante peut-elle être, n’a plus bonne presse… Le groupe est donc constamment comparé aux « dinosaures » des années 70 et a peu de place dans les médias.
Écœuré par ce fait, Éric Plion décide de quitter, non seulement le groupe, mais le milieu de la musique malgré qu’il soit diplômé du collège de musique Vincent-d’indy et qu’il enseigne la guitare! Après quelques spectacles avec André Tellier à la batterie, Existence donne son « dernier » spectacle au Jailhouse Rock Café le 23 mars 1996. Signe des temps, le club où s’est produit Existence tous les mois depuis 1994, ferme ses portes quelques temps après…
En 1997, Alan a écrit un scénario de film musical basé sur Existence. Il fait appel à Alain Fournier, un jeune cinéaste fraîchement diplômé de l’Université Concordia, pour l’aider dans cette nouvelle aventure. Mais après quelques mois, l’idée est abandonnée faute de financement.
Pour enregistrer l’éventuelle trame sonore de ce film, il avait auditionné plusieurs musiciens. Du nombre, seul un batteur, Gérard Léveque, décide de le suivre dans un autre projet : L’enregistrement d’un mini-album de nouvelles compositions. Le projet prend réellement forme lorsque Éric Pilon accepte de se joindre à eux pour l’enregistrement (seulement…) ainsi qu’une vieille connaissance d’Alan, François Beaugard au violon.
Alan a connu François à l’adolescence alors qu’il avait invité celui-ci à participer à l’enregistrement de pièces hard-rock avec un précédent groupe. François s’était également joint au groupe pour quelques spectacles par la suite et avait été appelé en renfort lors de l’enregistrement du premier album d’Existence sur lequel il apparaît sur deux pièces.
Sans bassiste (fonction tenue par Alan pour l’occasion), les quatre musiciens entrent en studio au printemps 1998. Les choses se passent rondement et le mini-album qu’Alan destine aux radios, sort à l’automne suivant. Réalisé par Alan avec l’aide du propriétaire du studio Créason, Jean-Guy Montpetit, les trois pièces, fort différentes les unes des autres, sont de petites bombes. Au grand étonnement des musiciens, la pièce titre se place même en 11ième place au palmarès d’une radio de Détroit!
Fort de cet engouement, Alan, François et Gérard se mettent à la recherche d’un guitariste et d’un bassiste pour enregistrer un album complet et partir en tournée. Gaston Gagnon, guitariste du groupe Québécois Garolou et Michel Desbien qui est encore étudiant en musique se joignent à eux.
Small People, Short Story, Little Crime
Plutôt que d’enregistrer la deuxième partie du concept Existence original, Alan décide de s’attaquer à un autre concept ambitieux. Celui-ci s’articule autour d’un magazine où chaque chanson représente un article dans le livret/magazine de 56 pages qui accompagne le CD! En spectacle, ces mêmes articles sont représentés par des vidéos où chacun des membres du groupe tient un rôle. Le travail Titanesque d’enregistrement, de tournage, de photo, de montage, de publicité et de marketing s’amorce en février 1999.
Cet album, réalisé par Alan et Gaston est applaudi par plus de 30 magazines dans le monde ainsi qu’encensé par des pairs. Jamais a-t-on vu un produit si touffu! La pièce centrale du CD, In The Kingdom Of Madness, fait plus de 22 minutes sur un CD de plus de 62 minutes! Tous les articles dans le magazine sont traduits en français et les paroles des chansons se retrouvent en caractère gras dans le texte de chacun des articles!
L’enregistrement se fait sans anicroche à part le fait que le bassiste est remercié au tout début du processus, les musiciens le jugeant trop peu expérimenté. Son remplaçant, Richard Lanthier, un vieux routier de la scène Québécoise, n’a besoin que de quelques jours à la toute fin des sessions pour enregistrer ses pistes.
Kinoceros, la compagnie que vient de fonder Alain Fournier est mandatée pour tourner des vidéos pour chacune des pièces de l'album afin que celles-ci soit projetées en spectacle. Chacun des membres du groupe reprend son rôle qu'il avait tenu dans le magazine du CD ce qui apporte une autre dimension au concept en spectacle.
Malheureusement, ce petit chef d’œuvre ne sera vu en spectacle que par quelques centaines de fans privilégiés… En effet, après à peine 4 spectacles, Black Pearl Productions doit déclarer forfait et annuler la tournée qui devait mener le groupe d’Edmunston, Nouveau Brunswick à Windsor, Ontario. Que s’est-il passé?
La tournée, qui était prévue des mois d’avance s’est mise en branle trop tôt après le lancement de l’album qui avait été retardé. La publicité n’a pas pu attirer le public qui, au final, découvrira l’album à partir de février 2000 lorsque les premières critiques paraîtront, plus de 4 mois après le dernier spectacle du groupe à Montréal. Même si l’album est acclamé à travers l’Europe, Black Pearl Productions n’a plus les moyens d’envoyer le groupe dans les vieux pays pour en faire la promotion.
Les musiciens décident de terminer la première partie de la tournée malgré tout et le dernier spectacle au Cabaret de Montréal est enregistré.
Tournage des vidéos de Beauty Teen & No Hero, 1999
(Alain Fournier, Maude Raymond, Stéphane Paradis & François Beaugard)
Focus, Eletria & autres projets
En 2002, Alan et Black Pearl Productions produisent plusieurs projets dont un album blues de Gaston Gagnon et l’album retour du légendaire groupe Focus. Existence reprend alors du service pour une courte série de spectacles en première partie de Focus et en vedette dans certaines villes du Québec.
Lors d’un de ces spectacles, une jeune fille raconte son histoire tragique à Alan, lui relatant que certains articles du livret de Small People avaient été un baume sur ses blessures. Suite à son approbation, Alan se met à écrire Eletria, un drame musical basé sur cette histoire, racontant la vie d’une jeune fille obligée à la prostitution. Il fait appel à François Beaugard, Gérard Lévèque et Richard Ranger (le bassiste d’Existence depuis 2001) afin d’enregistrer la trame musicale. Les quatre « Existence » se retrouvent au studio Créason en compagnie de Catherine Boulanger à la voix, qui vit littéralement les mots d’Eletria.
Le CD sort à l’automne 2007 et le spectacle théâtral sera présenté à 15 occasions jusqu’en février 2009. Plusieurs fans d’Existence considèrent cette nouvelle création d’Alan Charles comme étant un véritable Existence! Il va s’en dire qu’on n’a pas de mal à y reconnaître le style du compositeur…
Alan Charles, François Beaugard, Richard Ranger, Gérard Lévèque & Gaston Gagnon, (Medley, Montreal, 2002)
En janvier 2010, Alan commence le travail sur un nouvel album d’Existence. Au départ, il s’agit de la deuxième partie du concept Original, dont la première partie était parue sous le titre Fragile Whisperings Of Innocence en 1994. Cette deuxième partie intitulée Silent Screams In Violence aurait dû paraître l’année suivante mais n’a finalement jamais vu le jour.
Dès 2013, le projet se concrétise enfin mais prend aussi de l’ampleur : il est décidé de réenregistrer la première partie ainsi que la seconde et de réunir le tout sur un album double qui s’intitulera Origins. Le dur labeur de revisiter tout le premier concept, plus de 80 minutes de musique, débute en janvier. Alan veut réorchestrer ces pièces composées il y a 25 ans pour leur donner une facture plus actuelle mais aussi plus représentative de ce qu’est devenu Existence au fil des ans.
Trois membres du groupe, Alan, Gérard et François se retrouvent en novembre 2013 afin de donner une direction générale au son du projet mais le vrai travail débute finalement en janvier 2014 alors qu’Alan envoie toutes les pistes de base aux musiciens pour qu’ils puissent bâtir les arrangements des pièces. Durant les 6 mois suivant, les musiciens s’échangent des fichiers démos, travaillant et retravaillant chaque détail.
Puisqu’ils sont tous occupés à des projets externes à Existence, ils travaillent en vase clos, chacun de leur côté, ce qui rend le développement plus long que prévu. Au mois d’août 2014, la décision est prise de repousser le lancement d’Origins à l’année suivante pour permettre de peaufiner le tout à la satisfaction de tous.
Alan Charles & Gérard Lévèque (Montréal, Novembre 2013)
Entre-temps, alors qu’il s’affère à digitaliser toutes les bandes et archives d’Existence que Black Pearl Productions possède, Alan retrouve un enregistrement en concert datant de la tournée Live The Experience de 1999.
Un lecteur/enregistreur Sony MniDisc était alors systématiquement branché directement à la console de mixage lors des concerts du groupe et servait essentiellement de guide témoin pour les musiciens. Mais la qualité de cet enregistrement est si surprenante qu’Alan fait des démarches pour vérifier si la qualité de celui-ci est suffisante pour en faire un album.
Jean-Guy Montpetit du studio CréaSon assure Alan qu’il peut rehausser le son et en améliorer la balance même si chacune des pistes ne peuvent être mixées séparément. Le travail débute donc en septembre et culmine avec la sortie de l’album Live In Montreal en novembre 2014.
Ce CD au son très brut, absolument authentique et ne comprenant aucune retouche en studio, est un indéniable document d’archive témoignant de la force d’Existence en concert et constitue le seul document audio du groupe en spectacle à ce jour.
Au cours de l’année 2015, le travail se poursuit sur les arrangements de l’album Origins. Gaston Gagnon accepte finalement de participer au projet, lui qui se faisait tirer l’oreille depuis des années. Richard Ranger offre également ses services pour la basse. Les choses se mettent en place et du temps de studio est réservé pour le printemps 2016. Alan dévoile aussi la jaquette finale de l’album après que son premier design fut durement critiqué par Gérard qui trouvait que le logo du groupe ressemblait à un amas d’arrêtes de poisson!
Gérard Lévèque et Alan Charles se retrouvent enfin au studio Créason en compagnie de Jean-Guy Montpetit le 11 mars 2016 pour débuter l’enregistrement des pistes de batterie de l’album Origins. Dans les semaines suivantes se succéderont en studio Richard Ranger (basse sur The Last Battle et Prisoner of Time), François Beaugard (violon), Gaston Gagnon (guitare sur The Last Battle) et Valery Kim Gosselin (voix) mais au final, Alan, en plus du piano enregistré précédemment, se retrouvera à jouer presque de tous les instruments : guitares acoustique, rythmique et solo, basse, clavier et voix.
Alan Charles, François Beaugard & Gérard Lévèque (Studio Créason, Montréal, 2016)
Gaston Gagnon, Valery Kim Gosselin & Richard Ranger (Studio Créason, Montréal, 2016)
Les raisons de cette présence multiple s’expliquent par un différend artistique avec Richard et le peu de disponibilité de Gaston qui avait pourtant accepté de participer au projet. Ce surplus de travail demandant de la part d’Alan le mène au bord du surmenage... Les sessions d’enregistrement requises augmentent ce qui repousse d’autant une sortie de l’album prévue en octobre 2016. Le tout est donc repoussé à l’année suivante.
Puis, comme si la pression n’était pas déjà assez grande, après plusieurs sessions de mix, Alan décide de mettre fin à son association avec Jean-Guy Montpetit, son fidèle collaborateur des 19 dernières années. Des divergences de vison artistique ont menés à cette ultime séparation. Alan recommence donc le mix du début dans son studio personnel qu’il nomme le « Upstairs Office Studio. »
L'album Origins a été lancé à l'automne 2017 mais le 4 janvier 2022, alors que l'enregistrement d'un autre album avait débuté, Alan Charles mis un terme au groupe.
Depuis l'enregistrement de Origins, il était évident que les musiciens ne voulaient plus continuer l'aventure, tous s'ayant désisté sauf Gérard Lévèque. Alan décida donc d'abandonner Existence pour se consacrer à d'autre projets musicaux.
Vous pouvez en connaître d'avantage en visitant le site de Alan Charles
Alan Charles & François Beaugard
(Studio Créason, Montréal, 2016)
Jean-Guy Montpetit, Alan Charles, François Beaugard & Gérard Lévèque (Montréal, 2016)